Youpi ! En 2023, on peut saccager les droits de l’homme et la planète, et avoir pignon sur rue en plein cœur de la capitale française. Celui qui fait ça, c’est Shein, le rouleau compresseur de l'ultra fast fashion, connu pour son goût pour le travail forcé et ses libertés prises avec les normes sanitaires et environnementales, mais tout ça, vous le savez certainement déjà. Alors que la marque vient d’ouvrir un pop-up store éphémère au cœur du Marais, une opération à succès – 10 000 clients attendus, et déjà plusieurs heures de file d’attente – le débat monte : faudrait-il interdire purement et simplement Shein comme le réclame une pétition déjà signée par 40 000 personnes ?
Dans un monde qui nous oblige à vivre dans une dissonance cognitive quasi permanente, Shein n’est que le mince bouleau qui cache la forêt d’injonctions contradictoires. Alors qu’en France, 2,5 milliards de fringues sont mises sur le marché chaque année, et qu’on consomme en moyenne plus de vêtements que de boîtes de six œufs (« on consomme les vêtements comme si c’était des œufs. On les casse, on fait une omelette et ensuite on en rachète » illustre brillamment la cofondatrice de Loom Julia Faure dans Le Monde), il faut rappeler que la sape est en quelque sorte l’étendard de l’économie du désir permanent. Pour exister plus, il faut en acheter toujours plus – un phénomène qu'on appelle l'obsolescence émotionnelle ou psychologique.
C’est donc à se demander pourquoi tout le monde feint de ne pas comprendre pourquoi nous assistons à une « ruée vers la fringue jetable » (selon les termes de Janco). Indice : peut-être à cause du spam intensif et des techniques addictives employées par les marques ? « On a souvent des pubs sur les réseaux sociaux. Donc, je finis toujours par craquer », témoigne justement une cliente sur France Bleu. Alors plutôt que de vouloir tout interdire et faire passer les écolos pour des chasse-la-joie, et si on commençait par réguler la publicité pour (toutes) les industries toxiques ?
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